
Recroquevillée, lovée, enroulée telle un renard au creux de la terre, elle émerge. Son corps à nu ne craint pas le froid de ce tendre matin d’automne. Elle renait de ses cendres comme une fée s’éveille d’une larme coulée la veille. Le cœur à vif et à sang. Cru, nue, elle s’entoure de verdure. Rassemble les roses autour d’elle pour en faire un simple manteau. Son orteil se dépose délicatement sur l’herbe fraîche. Si elle pouvait oublier ce qui lui a causé tant de chagrins, elle le ferait. Mais elle ne peut point. De ce doux sanglot récent, elle re-sème la vie. Les couleurs reprennent de plus belle. Son cœur qui s’était déchiré en deux la veille s’ouvre à présent, et de son centre jaillit une gerbe de fleurs émerveillées et scintillantes. La plainte des louves résonnent en elle. De son doux manteau de plumes et de roses, elle sent monter en son cœur la clameur des sœurs sauvages. Fidèles, sincères, uniques, fières. Sœurs louves, sœurs sauvages.
Nulle frontière ne la sépare du règne animal, ni végétal. Si ce n’est que le doute par moment qui l’assaille. Surtout quand vient résonner la chanson des humains. La mélodie des siens, qui lui tarde de retrouver, serrer dans ses bras et faire pétiller ses yeux. Elle se sent happée. Mais la peur se cache non loin de là avec sa vieille amie amertume. M’accepteront ils comme l’un(e) des leurs? Moi qui parle aux plantes et rugit comme une louve à la pleine lune. Moi qui laisse mon corps tranquille dans sa nudité et sa simplicité d’être. Moi qui marche telle une fée sur l’herbe fraîche, dansant entre les gouttes. Accepteront ils mon amour pur, simple et doux, fougueux, sincère et indomptable? Accepteront ils ma part sauvage? Car le sauvage a quitté l’humanité depuis bien longtemps. Domestiqué, sur-domestiqué, embrigadé dans un amour sulfurisé, numérisé, magnétisé, robotisé, travesti, trahi!
Le mot est dit: « trahi ». De cette plaie grande ouverte, elle panse son chagrin. Elle entoure l’humiliation de ses bras, la couve. Elle prend soin de son besoin. Être entourée et reliée. Un frais tapis d’automne la recouvre. Et pendant un instant sa respiration se fait plus lente et devient presqu’imperceptible. Les feuilles la recouvre, la calme, la rassure. Elle se roule dans l’humus, telle une bête sauvage. De plus en plus vigoureusement. Un cri et puis un chant sortent de sa poitrine comme une longue plainte se transformant peu à peu en un chant joyeux, mélodique, joueur et rieur. Elle provoque les perdrix sur le chemin en lisière de forêt. Joue avec le castor et le chien. Retourne à la cabane, fait un feu. Prie, chante, danse, chante, danse, prie, prie. Se calme. Les étoiles renaissent et apparaissent au dessus d’elle.
La voix de la sagesse résonne en elle. Elle sait, elle connait son chemin, son destin. Elle sait ce qui l’attend demain. Mais pour l’heure, le sommeil la happe, l’englobe, la calme, la stabilise. Demain sera demain.
